En 1949, Darl’Mat propose une version plus musclée de la nouvelle Peugeot 203, inaugurant ainsi le concept de berline sportive à la française qui fera le succès de la 205 GTI trois décennies plus tard.

Le préparateur parisien n’en était pas à son coup d’essai avec les modèles produits par le constructeur de Sochaux. Avant-guerre déjà, une Peugeot 302 Darl’Mat Sport avait en effet établi  plusieurs records à Montlhéry en 1937 et l’année suivante, Charles de Cortanze et Marcel Contet avaient remporté la catégorie 2 Litres aux 24 Heures du Mans au volant d’une Peugeot 402 préparée par Darl’Mat.

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la plupart des constructeurs français présentent des nouveaux modèles économiques et populaires : Renault a sa 4CV, Citroën sa 2CV, Panhard sa Dyna et Simca sa Série 8. Peugeot n’est pas en reste avec sa nouvelle berline familiale 203 présentée au Salon de Paris en octobre 1948. Ce modèle robuste et confortable, comme le veut la réputation des voitures de Sochaux, est très éloigné des caractéristiques d’une voiture sportive. Pourtant, Émile Darl’Mat la choisit pour en faire son prochain bolide, gonflant son moteur pour gagner quelques chevaux et modifiant sa carrosserie pour la rendre plus aérodynamique.

Comme la plupart des Peugeot précédemment préparées par Darl’Mat, la 203 s’attaquera à des records comme ici à Montlhéry en 1953.

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Proche de la série

Présentée officiellement à la presse et aux concessionnaires en octobre 1947 à la salle Wagram à Paris, la 203 est l’unique nouveauté exposée sur le stand Peugeot lors du Salon de l’Auto de l’année suivante. La commercialisation de la 203 débute en janvier 1949 et sa carrière s’achèvera en février 1960 avec 699 863 exemplaires construits, toutes versions confondues. Le premier millésime de la 203 est disponible en berline à toit ouvrant de 7 CV fiscaux, tandis qu’une version rallongée de 18 cm est disponible en option. C’est la version châssis court de 435 cm de long avec un empattement de 258 cm qui est choisie par Darl’Mat pour réaliser sa berline spéciale. Comme pour la plupart des modèles Peugeot précédemment modifiés par le concessionnaire parisien, les châssis et les moteurs de la 203 sont produits dans l’usine de Sochaux, puis ils sont envoyés dans les ateliers Darl’Mat à Paris. Au total, la 203 Darl’Mat sera construite à 135 exemplaires de 1949 à 1954, dont quelques rares cabriolets à partir de 1952.

Avec sa large calandre chromée, la 203 Darl’Mat évoque immanquablement les luxueuses voitures américaines de cette époque.

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Châssis surbaissé

Afin de distinguer sa version spéciale du modèle de série, Darl’Mat va lui donner une allure plus dynamique en abaissant sa ligne de 14 cm. Dans la mesure où il lui est impossible de modifier la structure interne du châssis monocoque autoporteur, il va  jouer sur les ressorts de suspension, ce qui va réduire la garde au sol de 7 cm, mais aussi sur les parties supérieures de la carrosserie. Pour faciliter son travail, Darl’Mat obtient le rare privilège que les éléments de la Peugeot 203 lui soient livrés non assemblés, ce qui témoignait d’une grande confiance de la part du constructeur. Ainsi la hauteur du capot, du pavillon de toit et des surfaces vitrées est réduite de façon conséquente, ce qui permet à la 203 Darl’Mat de bénéficier d’un Cx plus performant et d’une meilleure tenue de route. Par ailleurs, afin d’harmoniser l’ensemble de la carrosserie, la malle arrière est entièrement redessinée, avec une discrète amorce de dérive, tandis que les ailes sont plus joufflues et que des flasques viennent cacher les roues arrière. De nombreux accessoires et éléments de décoration sont ajoutés, notamment la grille de calandre inspirée des Cadillac du moment, encadrée de larges moulures chromées recevant deux phares additionnels. Un grand soin a été apporté au niveau de l’habitacle, avec l’adoption d’une sellerie en cuir, d’un élégant volant fourni par Quillery et la possibilité de changer l’instrumentation de la planche de bord d’origine pour des compteurs de la marque Taupin.

La Peugeot 203 Dar’lMat  se distingue par ses nombreux éléments décoratifs : pare-chocs, sabots et cimiers d’ailes.

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Motorisation poussée

Le bloc à 4 cylindres en ligne de 1?290 cm3 de la Peugeot 203 est d’une conception technique moderne, recevant notamment une culasse hémisphérique en Alpax à soupapes en tête inclinées en V. Darl’Mat va augmenter la puissance de 42?ch d’origine en améliorant le taux de compression. Pour ce faire, il joue sur l’alimentation, avec l’ajout d’un second carburateur double corps inversé Solex, tout en montant une pipe d’admission Nardi plus performante. Parallèlement, il modifie l’échappement qui est désormais équipé de quatre tubulures séparées. La puissance est maintenant de 50 ch et la vitesse de pointe a gagné 15 km/h. Pour le millésime de 1953, la 203 Darl’Mat emprunte le moteur de 1?467 cm3 offrant 60 ch de la nouvelle 403. Quelques exemplaires sont dotés en option d’un compresseur Constantin qui monte la puissance à 80 ch à 4 800 tr/min et permet d’atteindre 150 km/h en vitesse de pointe. La boîte à quatre vitesses est accolée à un embrayage monodisque à moyeu élastique type KZ12. Il est également possible de choisir une boîte électromagnétique Cotal en option.

Le tableau de bord un peu austère sur le modèle d’origine est amélioré grâce à un volant Quillery et l’ajout d’un compte-tours.

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Peugeot 203 Darl’Mat de 1950

•?Moteur : 4 cylindres en ligne, transversal avant

•?Cylindrée : 1 290 cm3

•?Alésage x course : 75 mm x 73 mm

•?Puissance : 50 ch DIN à 4 500 t/mn

•?Alimentation : 2 carburateurs Solex type 32PBIC

•?Allumage : batterie et dynamo

•?Distribution : arbre à cames latéral, 2 soupapes en tête par cylindre

•?Transmission : aux roues arrière, à 4 rapports + M.A.

•?Pneumatiques : 155 x 400 (avant et arrière)

•?Freins : système hydraulique assisté, tambours (avant et arrière)

•?Longueur : 435 cm

•?Largeur : 161 cm

•?Hauteur : 142 cm

•?Empattement : 258 cm

•?Voie avant : 135 cm

•?Voie arrière : 132 cm

•?Poids (à vide) : 900 kg

•?Vitesse maximale : 130 km/h

Émile Darl’Mat

Né le 2 février 1892 à Villers-en-Prayères, dans l’Aisne, Émile Eugène Henri Darl’Mat possède un nom d’origine bretonne qui signifie «Tiens bon». Il commence sa carrière comme mécanicien dans l’aviation. En 1921, après un passage chez Renault, il achète un garage au 35, rue Malar à Paris où il devient représentant pour les marques La Buire, Peugeot et Panhard. Dès 1925, il transforme des 5 CV Peugeot en versions sportives et luxueuses. En 1933, avec le carrossier Marcel Pourtout, il adapte le brevet de toit escamotable de Georges Paulin. Ce système ingénieux, baptisé Éclipse, sera principalement installé sur les Peugeot 301, 401, 601 et 402. Après la guerre, Émile Darl’Mat prépare des versions sportives des Peugeot 203 et 403 tout en restant l’un des plus importants concessionnaires Peugeot de Paris. Il est décédé en novembre 1970.