26/05/2025
Au lendemain d’une Seconde Guerre mondiale qui a détruit son réseau, la SNCF manque de locomotives et surtout de locomotives neuves.
Read moreAu lendemain d’une Seconde Guerre mondiale qui a détruit son réseau, la SNCF manque de locomotives et surtout de locomotives neuves. L’entreprise sait ce dont elle a besoin, et c’est surtout d’une nouvelle locomotive puissante, robuste et d’une grande simplicité de construction.
Une belle 141-R qui cache son numéro, mais présente bien ses quatre essieux moteurs avec roues à rayons et son bissel arrière type Delta. Sans doute en peinture noire brillante et non mate, cette « R » est présente sur le gril d’un dépôt.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
Mais l’industrie française ne peut la construire, ses usines étant en ruines. Les pièces la constituant seront largement dimensionnées pour assurer une bonne tenue en service et
« encaisser » les durs efforts et contraintes liées au chemin de fer. Les organes et les auxiliaires d’entretien seront simples, d’un emploi commode et peu coûteux.
Une 141-R verte en ligne, mais en modèle réduit à l’échelle « 0 », vue sur le magnifique réseau du musée Rambolitrain à Rambouillet.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Document Denis Regnault.
La conduite de notre célèbre 141-R sera très facile et permettra ce que l’on appelle la « banalité », c’est-à-dire la conduite d’une locomotive non par une équipe titulaire dédiée mais en roulement avec des équipes différentes se relayant jour et nuit.Ceci implique que la locomotive, qui sera certes américaine, soit totalement française dans sa conduite et son entretien. Aux mécaniciens français, il faut impérativement la conduite à gauche et la marche à gauche sur les lignes à double voie. Les chauffeurs ont besoin de deux niveaux d’eau sur la « devanture » de la cabine au lieu d’un seul. Il faut aussi une lubrification à l’huile et non à la graisse (absente des dépôts depuis longtemps). Il faut également pour les dépôts des pas de vis, des entretoises et des tirants du foyer en mesures métriques, ou un foyer en tôle d’acier soudé. Les réseaux français ont besoin d’un rayon d’inscription en courbe ramené à 81 mètres au lieu des 100 yards minimum américains, etc. Mais dans sa construction et l’ensemble de ses aménagements, la 141-R est bien américaine, jusque dans son aspect général, ses roues, son châssis, sa chaudière, y compris et surtout sa confortable et vaste cabine, ses graisseurs mécaniques Nathan, sa pompe à eau Worthington ou sa turbo-dynamo Pyle-National ainsi que ses éjecteurs de sable Sure-Flo.
Le fameux châssis moulé, d’une seule pièce cylindres compris, équipant 200 locomotives 141-R de la deuxième tranche. Ce chef-d’œuvre de fonderie pèse environ 18 tonnes et a une longueur de 11 mètres.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
Avec sa caisse soudée ou rivée reposant directement sur deux bogies américains à longerons en acier moulé et roues monobloc en acier, le tender est d’un type purement américain. Si le procédé de traitement des eaux est celui imaginé par Louis Armand qui dirigera la SNCF pendant ces années difficiles, tout le reste - en ce qui concerne le tender - est purement américain comme la barre d’attelage Franklin et son tamponnement spécial, les rotules d’alimentation en eau du type Okadee en caoutchouc alimentant une pompe Worthington purement américaine, ou les rotules en acier du type Barko pour le stoker et les conduites de chauffage. Tous ces détails, que les ouvriers des ateliers retrouvent avec chaque 141-R de retour au dépôt, demandent des outillages et des « tours de main » différents. Les « R » vont vraiment faire passer les ateliers des dépôts à l’heure américaine avec autant d’efficacité sociale que le cinéma, l’électroménager, le « fast-food », le « chewing gum » et le jazz ou le « rock and roll » qui ont envahi la société et conquis la jeunesse.
La locomotive N° 141-R-874 remorquant un train d’essais composé d’une voiture de mesures et de locomotives constituant une importante charge remorquée. Vue dans les années 1945-1947.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
En 1937, le puissant Président-directeur général du grand réseau américain « Union Pacific », un certain William Jeffers, fait accrocher sa voiture personnelle en queue d’un train de voyageurs. Une panne de locomotive, comme le savent les cheminots du monde entier, c’est toujours ce jour-là que cela arrive, et c’est bien ce qui se produit… Jeffers est furieux de cette avarie.
Locomotive type 242 dite “FEF”. Il s’agit de la N° 802 construite en 1937 pour le très important réseau Union Pacific. On trouve déjà les roues « Boxpok » et les roues porteuses pleines de la future 141-R, tout comme la chaudière surchargée par des tubulures et des auxiliaires.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
C’est pourquoi, peu après, le réseau se dote d’une nouvelle série de locomotives de vitesse du type 242, les fameuses « FEF », pour « four-eight-four » ou 484 – puisque les Américains, comme les Anglais, comptent les roues et nous les essieux… Les années 1920 et 1930 sont un âge d’or aux USA, avec plus de 400 000 km de lignes, des trains carénés rapides roulant à 160 km/h et offrant un luxe incroyable avec des cabines de paquebot équipées de salles de bains, des trains de marchandises immenses, des locomotives très performantes, des gares monumentales en marbre, des viaducs gigantesques par-dessus bras de mer et fleuves : c’est alors le meilleur réseau du monde.
Fortes de leur 412 tonnes leur donnant un poids triple pour ne pas dire quadruple de celui des petites « Pacific » européennes, ces locomotives n’en sont pas moins capables de rouler à plus de 170 km/h en service courant. Ces machines sont simples, mais puissantes et fiables. Leur consommation de charbon élevée leur vaut d’être remplacées par des locomotives diesel à la fin des années 1950. Plusieurs d’entre elles ont été préservées et sont visibles aujourd’hui encore en état de marche.
Mécanicien (à droite) et son chauffeur quittant leur dépôt, dans les années 1960. Ils terminent une dure journée à bord de leur 141-P et emportent leur traditionnel panier
(d’où l’expression « panier-repas ») qui a fait le voyage dans les coffres arrière du tender.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Pierre Decroix.
Recent articles
22/05/2025
Les 141-R n’étaient pas faites pour devenir des « stars » ou des reines de beauté.
22/05/2025
Quand ils s’appelaient encore des « trains de marchandises » dans les années 1960, ces trains étaient à l’image d’un âge d’or pour le chemin de fer : abondants, (...)
06/05/2024
Trois ans d’évolution pour arriver à 850 ch de puissance